vendredi 31 janvier 2014

"Mort d'un pétale", d'Etienne Paulin



Ce recueil, très court, mais consistant, est l'œuvre d'un poète dont j'apprécie particulièrement l'écriture. Il s'agit d'Etienne Paulin, déjà publié par ailleurs aux éditions Henry et dans la collection Polder de la revue Décharge.
Dans "Mort d'un pétale", comme dans les recueils précédents, il y a toujours ce goût du bric et du broc, de ces vieilles choses (cygnes de bois, limonaire dégradé, bateau pirate, village western, dérisoires cariatides) dont tout le monde se fout (sauf les récupérateurs) et qui rendent l'écriture bien coupante.
Ce que j'apprécie particulièrement ici, c'est que l'auteur, en citant ces choses, ne cherche pas à les rendre désirables, car il sait déjà que leur beauté provient du fait qu'elles ne sont justement pas désirables et qu'il faut les tirer de leur oubli, même s'il est mérité.
L'attention portée à la nature, en plus de ces objets, est d'ailleurs du même tonneau : le soleil est là, mais l'orage aussi.
En décrivant ces états rebelles, Etienne Paulin s'inscrit par là dans le temps commun, qui ne saurait ignorer le passé, afin de mieux garder la lucidité sur soi : car bien sûr, le poète est l'acteur principal de cette pagaille.
L'écriture d'Etienne Paulin est très imagée, et aussi elliptique, comme si le poète voulait se débarrasser de son poème pour aller faire autre chose. En voilà un trait de caractère qui me semble intéressant !
Ci-dessous le 4e poème de cette série :

"Oh la musique allemande,
celle qui porte à rêver."
Léon Dupuis dans Madame Bovary


ce soir le vent n'a plus d'allure
le ciel porte des masques
et l'air s'adosse à l'ombre inouïe des tanks

des écailles s'éveillent
mille fois sans nous

mourir est à rêver
quel beau visage entendre

et y aura-t-il assez d'étages de grelots d'engouements
pour un drame aussi sourd


Le recueil est à commander auprès d'Yves Perrine (Editions la Porte), 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON pour le prix de 3,75 € (port compris).

lundi 27 janvier 2014

"L'hydrolyse affriolante", de Christophe Esnault


"L'hydrolyse affriolante" constitue le premier groupe de poèmes publié par l'auteur, si je puis dire, à la Porte, les éditions de Yves Perrine.
Comme dans les derniers cycles de poèmes de Christophe Esnault, ce texte a visuellement une forme très régulière (en apparence), ici, seize poèmes de huit vers chacun.
J'aime bien ce recours à des formes régulières, car il y a là comme une envie de refonder le vers d'une façon tout à fait moderne. En fait, ici, chaque vers est totalement indépendant de l'autre. Et l'illusion vient sans doute qu'une histoire éclatée peut être reconstituée, alors qu'il y en aurait plusieurs, juste esquissées. 
L'hydrolyse, c'est la décomposition de certains composés par l'eau. Ici, je pense donc que c'est l'amour qui est décomposé. Peut-être que l'amant s'est jeté à l'eau, qu'il s'est noyé et qu'il distingue encore le monde extérieur d'un œil amoureux. Ou bien se sent-il en symbiose avec ce monde extérieur qui a les pieds au sec et va t-il aller faire l'amour à une sirène... Peu importe.
L'intérêt de "L'hydrolyse affriolante" c'est qu'il s'agit vraiment de poésie. Les images en perpétuelle irruption éclatent comme des images sur un écran d'ordinateur. Peut-être l'eau symbolise-t-elle cet écran de jeu vidéo, cette séparation avec la personne aimée, qui déforme la vision du réel. 
En tout cas, ce petit recueil par la taille ne laisse pas indifférent car il stimule l'imagination du lecteur, comme vous avez pu le constater.
En même temps, si Christophe Esnault cherche à écrire des poèmes d'amour, les siens ne sont pas cul-cul la praline.
En voici un (le 7e sur 16) :
 
"Corps doux de l'aimée et banc de sable brûlant où s'échouer
La beauté me ramène à ta beauté et la distinction chavire
Pétales de roses disséminées à la surface crient ta cicatrice
Des rendez-vous retardés balafrent mon territoire intime
Deux gosses se chamaillent autour d'une paire de jumelles
Ces deux cygnes au loin qui paradent avec haute majesté
L'envie de mourir et le désir de t'étreindre sur le chemin de halage
Route du sel et pilier à la quintessence de nos vœux synchrones"
 
Pour vous procurer ce recueil vendu au prix de 3,75 € port compris, vous pouvez écrire à Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 LAON.