lundi 9 juillet 2018

"Petite histoire essentielle de la futilité", de Bruno Toméra


Publié par Cathy Garcia, en tant que supplément de la revue Nouveaux Délits (même si ce texte s'achète indépendamment de la revue), "Petite histoire essentielle de la futilité", de Bruno Toméra est son troisième supplément (collection des délits buissonniers).

Cela fait plusieurs années que j'espérais relire des poèmes de Bruno Toméra, que j'ai publié à plusieurs reprises dans les premiers numéros de "Traction-brabant".

Heureux, donc, de retrouver cette poésie inchangée., qui suit, au plus près, des vies d'infortunes, faites de petits boulots mal payés, de misères de la rue, de ces réalités impossibles à cacher, à moins d'être de mauvaise foi.

Si la poésie de l'auteur sort souvent cabossée de ces malheurs ordinaires, ne croyez pas pour autant qu'elle s'y enfonce. Une lueur d'espoir traverse tous ces poèmes, qui est celle d'une fraternité humaine non feinte, et non basée sur l'intérêt. Quelque chose de franc, de direct, de solide, qui s'affirme contre vents et marées. 

Rien de malsain dans ces textes, juste une soif de révolte renouvelée, qui s'exprime avec le sourire, qualité rare qui fait que le style des poèmes, chaleureux dans ses images comme dans ses mains tendues, est reconnaissable et rare entre tous.

Extrait de "Petite histoire essentielle de la futilité", de Bruno Toméra :

"Le nouveau testament personnel et subjectif"

En m'invitant dans la fiesta de la vie,
l'univers a égaré le carton d'invitation
et me voilà loufiat (comme des milliards d'autres)
à chercher une planque pas trop inconfortable,
un peu d'amour et de calme
mais c'est sans compter
sur la panne d'électricité au seuil du Grand Soir
sur la dernière chanson déprimée du rebelle Renaud
sur dieu et sa bande d'abrutis sanguinaires
sur les grossistes des boutiques multinationales
sur le salon de la motoculture et du tripatouillage animal
sur la délocalisation des entreprises de confettis
sur la peine-à-jouir de l'égocentrique poésie
sur le one man show de la spectaculaire connerie
et son public connaisseur et ravi.
Sur un tas de fatras que nous enjambons chaque jour,
pauvres cloches.
Quand la mort m’enlacera sur un slow éculé
avec ses clins d’œil d'allumeuse pubère
ou sur un dico débridé avec des petits cris jouissifs de travelo
sortir de la fête à son bras sera le point final
de foutus SOS éparpillés en pointillés
avec la satisfaction de celui qui s'est exténué
à rafistoler la ligne de flottaison du radeau jusqu'au bout
et hypocrite jure que c'était bien mais que toute
bonne a une fin... Enfin."

Les illustrations de la couverture et des pages intérieures sont de Jean-Louis Millet.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Petite histoire de la futilité", de Bruno Toméra, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le blog de la revue Nouveaux Délits : http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/ 

jeudi 5 juillet 2018

"Après la nuit après", de Thierry Radière


Publié par les Éditions Alcyone, "Après la nuit après", dernier recueil, à ce jour (?), de Thierry Radière, est une série de poèmes en prose.

J'en profite pour signaler qu'il s'agit du 20e livre (tous genres confondus) de l'auteur publié en l'espace de 7 ans (chez une dizaine d'éditeurs). D'où cette constatation, d'ordre général : parfois, les éditeurs éditent...

Mais revenons à nos moutons : ces poèmes en prose, semblant écrits d'une seule traite, et qui sont, en tout cas, dépourvus de ponctuation, agissent comme des expériences de chimie, comme le contenu d'un verre qui se déverserait dans une éprouvette. Chimie ou alchimie des réalités ?

Le titre du livre - "Après la nuit après" - est révélateur de ce changement d'état. D'une observation des apparences, on aboutit à un résultat, souvent surprenant, car plus grave, plus métaphysique, sur fond de souvenirs d'enfance qui remontent à la surface du présent, de regrets mal dissipés.

Entre-temps, la magie des images poétiques, transcrit du réel, est passée par là. Ici réside la valeur de ce texte.

Extrait de "Après la nuit après", de Thierry Radière :

"Les rêves sont les souvenirs d'une autre vie que l'on bricole à la lumière à peine ouverte et entêtée afin que l'écume de la dernière fois attablée les bras en croix tel un pantin au bout du rouleau soit bonne à regarder en face se remette à crépiter dans la cuisine où les murs salivent et les assiettes se teignent de sauce à épaissir au fouet des habitudes à retenir les pentes."

La réalisation graphique du logo de couverture est de Silvaine Arabo.

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Après la nuit après", de Thierry Radière, qui est vendu au prix de 18 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.editionsalcyone.fr/

mardi 3 juillet 2018

"Milieu de gamme", de J-B. Happe



Deuxième recueil seulement de J-B. Happe publié, cette fois-ci aux Éditions Le Pédalo Ivre, et pourtant, voilà déjà un livre emblématique, y compris pour les éditions.

Vous me demanderez alors : de quoi ça parle ? Eh bien, justement, de tout et de rien à la fois. Ce n'est pas ça l'important dans "Milieu de gamme". C'est le style de son auteur qui importe. Et celui-là est caractéristique.

Et pour cause : quand J-B. Happe écrit des vers, on dirait qu'il cause "presque" naturellement, et ce qui en sort, ce sont bel et bien des "vrais" vers, pas de la prose. 

Voilà pourquoi je dis que ce livre est emblématique de pas mal d'autres autres auteurs publiés par le Pédalo Ivre. Pour le profane, habitué (le pauvre !) à la poésie classique, ces auteurs devraient écrire en prose.

Sauf qu'ici, plus que jamais, J-B. Happe trouve sa respiration dans le vers. D'où aussi la longueur importante (plusieurs pages) d'une bonne partie des poèmes de "Milieu de gamme" (ou alors, ils sont très courts).

En réalité, l'auteur ne fait que débattre avec lui-même et le résultat est plutôt amusant, nimbé d'humour noir, et surtout déconcertant, car on ne sait pas vraiment ce dont il sera question plus loin. L'argument de départ fait tache d'huile, et on se retrouve bientôt (par des sauts de puce, si vous préférez) dans autre chose, comme si on avait glissé dans un univers parallèle.

Un style vraiment singulier (rythmé, scandé, nerveux), qui me plait.

Extrait de "Milieu de gamme", de J-B. Happe :

"dans mon lit au bord de la route
j'attends un éditeur
j'attends le sommeil
j'attends le jugement dernier
j'attends de tes nouvelles
je tape du pied, me tourne et me retourne
je me joue au tiercé gagnant
ce sera d'abord le tiercé gagnant
ce sera d'abord le jugement dernier
ensuite un éditeur
à la toute fin du sommeil
apparaîtra turquoise, poitrine offerte
comme dans une pub pour un soda
toi tu me dirais
ce n'est pas une attitude constructive dans la vie
l'attente comme ça
c'est idiot et masochiste
tu aurais raison j'en suis certain
je ferais mieux d'écrire
je ferais mieux de t'oublier
les heures passent
sur le bord de la route dans mon lit
avec deux cailloux
dans une canette de bière
je bricole un maracas
je commence un rêve
puis j'ouvre les yeux et j'attends encore
je me lève je sors sur le balcon
et j'attends un carambolage
ce n'est pas une attitude constructive
dans la vie
je ferais mieux de t'oublier
je ferais mieux de te laisser
au bord de la route
et m'éloigner
dans mon lit
sur des rivières
d'encre blonde
houblonnée"

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Milieu de gamme", de J-B. Happe, qui est vendu au prix de 11 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.lepedaloivre.fr


lundi 2 juillet 2018

"Cinéma inferno", de Jean-Marc Flahaut et Frédérick Houdaer


Publié par les Éditions Le pédalo ivre, "Cinéma inferno", de Jean-Marc Flahaut et Frédérick Houdaer décrit la passion qu’éprouvent pour le cinéma les deux auteurs. Une passion infernale !

En effet, ce livre de poèmes montre surtout les relations qu'entretiennent avec la réalité les films rêvés, et mélange rêves éveillés à souvenirs d'enfance ou d’adolescence.

Moyennant quelques libertés prises avec la lettre des films, la passion des auteurs pour le cinéma demeure intacte. C'est bien cela la magie du septième art. Il est facile de modifier des images, afin de les faire coïncider avec ses rêves personnels.

Les films évoqués, directement ou indirectement, épousent plusieurs styles, époques et origines : une majorité de films américains et de films d'horreur, mais également quelques longs-métrages français ou italiens.

Sans surprise, on y croise quelques jolies femmes, mais aussi quelques grands durs. Toute une série de héros à qui s’identifier sans peine, surtout quand on ne leur ressemble pas vraiment. Sans doute cela vaut-il mieux d'ailleurs, car, la plupart du temps, ces personnages hors norme finissent mal.

Ici, l'ambiance oscille entre humour et nostalgie d'une époque révolue, celle où le septième art n'était pas encore celui des multiplexes.

Peut-être parviendrez-vous à distinguer qui (Jean-Marc Flahaut ou Frédérick Houdaer ou les deux) a écrit quoi dans ce livre. En tout cas, moi, je n'y suis pas parvenu et je ne pense pas que cela soit grave, bien au contraire.

Extrait de "Cinéma inferno", "Le cinéma français" :

" dire juste ça
le cinéma français
avec la gourmandise d'un enfant
dans les années 80
le cinéma français
celui qui passait tous les dimanches soirs à la télé
le cinéma français
ses dialogues a minima
ses personnages génétiquement tragiques
le cinéma français
ses intérieurs dépouillés
ses paysages tristes à pleurer
ses meurtres par camions interposés
le cinéma français
ses aires d'autoroute
ses pavillons de banlieue
ses ascenseurs vides
ses villes de Province
le cinéma français
ses inspecteurs de police
ses dames aux chats
ses contrôleurs SNCF
ses vendeuses de stylo
dire juste ça
le cinéma français
avant de l'oublier".

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Cinéma inferno", de Jean-Mrc Flahaut et Frédérick Houdaer, qui est vendu au prix de 11 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.lepedaloivre.fr