vendredi 26 août 2016

"La parole comme un cristal de sel", de Marie-Françoise Ghesquier

Deuxième recueil de poèmes publié par Marie-Françoise Ghesquier chez Cardère Editeur, « La parole comme un cristal de sel » est un texte résolument dédié à la nature, en ce qu'elle a de plus classique, en apparence : ses quatre saisons.

En effet, chacune des quatre parties de « La parole comme un cristal de sel » retrace ces saisons, sans aucun doute possible, puisqu'elles s'intitulent successivement : « Sur la pente raide du printemps », « Dans le point mort de l'été », « A contretemps du vent d'automne » et « Sur l'échiquier du vent brouillé de l'hiver ».

Cependant – et on le sent déjà à travers ces titres - le traitement qui est fait de ces quatre saisons par l'auteur n'est pas classique.

Loin des oppositions entre bonnes et mauvaise saison, qui serait l'hiver, la nature que décrit l'auteur est comme frappée de stupeur, et il est difficile de savoir laquelle, en fin de compte, n'a pas son lot de morbidités.

Cela est sans doute dû au fait que Marie-Françoise Ghesquier entre dans la profondeur de cette nature, qu'elle en distingue la vie, et donc son corollaire nécessaire, la mort.

A signaler également la place dans cette nature qui devient métaphore de l'écriture et du poème, tant il est vrai que la nature est un livre ouvert devant nos yeux.

Poésie d'images visuelles, donc, laissez-vous emporter par les nuances de teintes apportées par les mots à toutes ces choses visibles à l’œil nu :

« L'étang a capturé
tous les nuages du ciel
dans son miroir
au goût de sel aigu.

Les cygnes naviguent
entre les écueils de brume
pris dans le cercle
des roseaux courbés.

Quand la dague de leur bec
transperce l'eau cyanosée,
le sang épanche
ses couleurs de feu
jusqu'au ciel.

Dans les fonds gorgés de nuit
les carpes passent
comme autant de mots
inaudibles
qui brasillent
sous la cendre.

Des mots qui serpentent à bas bruit. »

Il est à noter que Marie-Françoise Ghesquier est également l'illustratrice de son texte, ce qui n'est pas courant dans l'édition de poésie. Quand je vous dis que cette poésie est visuelle !....

Pour vous procurer « La parole comme un cristal de sel », de Marie-Françoise Ghesquier, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.cardere.fr/

"A la fin" de Thierry Radière


Ce court recueil paru aux éditions de « La porte » regroupe plusieurs textes en prose, dans lesquels s'exprime une poésie de situation, plus que d'assemblages de mots.

C'est d'ailleurs l'atout de ce texte, intitulé « A la fin », de créer des résonances chez le lecteur.

En effet, y sont listés toutes sortes de comportements « originaux » voire « contre nature » des personnes avant qu'elles ne meurent.

Nous sommes donc tous concernés par ces proses, qui débutent toutes par l'expression « A la fin ».

Et si c'était à nous, justement, de poursuivre l'écriture de ce recueil avec nos propres lubies, qui toutes se valent !...

Un exemple parmi les autres :

« A la fin, il voulait repeindre l'intérieur de sa maison en rouge. On le lui avait interdit sa vie durant. Il y a des choses qui se font et d'autres pas, lui avait-on expliqué dans son entourage. Et il avait bêtement écouté les conseils de ceux qui prétendaient savoir. Maintenant, à son âge, blanc, bleu, orange, vert, mauve, noir, quelle différence ? Alors pourquoi pas rouge ? »

Pour vous procurer « A la fin », de Thierry Radière, qui est vendu au prix de 3,80 €, vous pouvez écrire à son éditeur : Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin 02000 LAON.

mercredi 3 août 2016

"Le ciel déposé là", de Jean-Baptiste Pédini


Avec "Le ciel déposé là", de Jean-Baptiste Pédini, c'est l'histoire de tout un monde qui s'écrit à partir du ciel, ce dernier jouant le rôle d'un miroir dans lequel se reflètent hommes, autres mammifères, choses, bref, tout le reste. C'est un monde épuré, dont le portrait est dressé en quelques lignes, dans ces poèmes en prose, aux phrases courtes. Mais chaque détail frappe le lecteur, comme autant d'annotations qui dessinent le croquis de l'ambiance, ne négligeant pas même le moindre son.

Il ne se passe rien, souvent, mais il n'est pas certain que cela dure. Comme souvent, dans les textes de Jean-Baptiste Pédini, le poète est un observateur tapi dans un coin, mais son œil semble redouter que quelque chose de grave, ou plutôt de bouleversant, se produise. Quelque chose qui casserait l'équilibre précaire du monde.

"Le ciel déposé là", en résumé, c'est un peu le calme avant la bataille (qui ne se produira sans doute jamais, et tant mieux) ou après (lorsque tout rentre dans l'ordre).

Extrait de "Le ciel déposé là" :

"C'est cette distance qui saute le plus aux yeux. Une ombre flâne dans les blés. On entend un bruissement. Les pierres claquent. L'humeur décline. La luminosité s'écrase tout au fond de sa niche, déjà prête à ronger le jour."

Si vous souhaitez en savoir plus sur "Le ciel déposé là, de Jean-Baptiste Pédini, qui est vendu au prix de 9 €, il convient d'écrire à son éditeur : "L'Arrière-Pays", 1 rue de Bennwihr 32360 Jégun.

mardi 2 août 2016

« J'écris », de Jacques Morin


Ce recueil de textes, édité par « Rhubarbe », regroupe des chroniques écrites entre 1974 et 2014 et précédemment publiés ailleurs.

Leur auteur, Jacques Morin, qui anime la revue « Décharge » depuis 35 ans, y parle d'écriture, à travers son expérience personnelle de poète ayant publié des livres, mais avant tout, en tant que revuiste.

Autant reconnaître d'emblée qu'il sait de quoi il cause. Pour moi, qui m'occupe de « Traction-brabant », ces textes résonnent comme autant de retour aux fondamentaux, qui se définissent comme des impressions reconnues depuis mon entrée dans le petit monde de la poésie. Il n'y a donc pas là de règles à suivre (par pitié, non !), il s'agit plutôt de réflexions que j'ai faites miennes depuis longtemps, sans pour autant toujours les exprimer avec précision, comme elles sont ici fixées.

Pour autant, ne croyez pas que ce volume ne s'adresse qu'aux animateurs de revues. Les auteurs y trouveront des expériences communes à leur pratique solitaire de l'écriture. Et cela ne leur fera pas de mal de passer de l'autre côté du miroir : de celui qui fait autre chose que d'écrire.

On trouve aussi dans ce livre le passage du temps : d'un anarchisme aigu à quelque chose de plus tempéré, mais qui ne renie pas ses origines.

Je pense pour ma part que l'esprit anarchiste devrait toujours animer la personne qui se lance dans la création d'une revue ou d'une maison d'édition. Si ce discours peut paraître démodé à certain(e)s, à mes yeux de lecteur, il me semble tout naturel, car cet anarchisme-là relève plus, selon moi, de l'artisanat que d'une envie forcenée d'en découdre avec un quelconque pouvoir.

Il s'agit plus de montrer que l'on peut aussi exister par la poésie, que d'imposer ses vues aux autres.

« J'écris » s'achève par une sorte de parabole humoristique sur la fin de l’écriture, intitule « Après tout ». Un pied de nez à tout ce qui précède.

Extrait de « J'écris », une réflexion qui résume bien l'ambiance de ce livre, les pieds sur terre et néanmoins dans la poésie  :

« Némésis

Sur le problème du nombre des revues et de leur peu de lectorat respectif, je pense qu'il faut s'affranchir de l'enflure de l'ambition. Nous ne sommes que des grenouilles qui coassent chacune dans une mare, celles qui veulent se faire plus grosses que le bœuf risquent l'éclatement pneumatique. Nous n'avons qu'un petit volet de lecteurs, quelle importance ? Ce n'est pas en additionnant ces différents publics que l'on obtiendra une énorme masse de lecteurs, d'une part parce que certains lisent plusieurs revues et d'autre part parce que chacun trouve en telle revue tel attrait qu'il ne retrouverait sans doute pas dans une grosse machine plus impersonnelle. C'est le charme de l'artisan contre la froideur de l’industriel. Ensuite, je crois qu'on peut jeter plusieurs passerelles entre des revues voisines ou complices, des ponts qui permettent de nous relier, sans pour autant nous agglomérer en une seule entité. (...) »

Pour en savoir plus sur « J'écris », vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.editions-rhubarbe.com/