Publié par "Bruno Guattari Éditeur", "À Petros, crise grecque", d'Anne Barbusse, est un recueil de poèmes qui ressemble à un roman, tout d'abord par ses dimensions importantes (250 pages), mais aussi par sa construction : divisé en quatre actes, plus un prologue et une épilogue, comme autant de parties, dont chaque poème, muni de son titre, serait un chapitre.
Cependant, cet aspect formel n'est pas le seul à caractériser ce qui semble être une épopée moderne, en référence à "Ulysse" d'Homère.
À vrai dire, l'épopée n'en est pas vraiment une. Il s'agit plutôt du récit de l'échec d'une relation amoureuse qui s'est jouée durant quelques jours à la fin des années deux mille en Grèce.
Dans "À Petros, crise grecque", la Grèce sert de toile de fond à une histoire d'intimité. D'ailleurs, ce pays vit sa crise économique, sa crise de valeurs (voleurs, pourrait-on dire, par jeu de mots facile) capitaliste, comme la protagoniste vit sa crise personnelle.
Dans la plupart des poèmes de "À Petros, crise grecque", Anne Barbusse montre comment on peut survivre à une histoire amoureuse. Mais tout est dans le style. En effet, chaque poème déroule ses vers amples au fil des pages et compose une musique entêtante, puissante, riche, voire même sensuelle.
Il y a aussi les images. Ce livre ne ressemble pas qu'à un roman, mais à un véritable film, de ceux peut-être que l'on se fait, mais qui nous prolonge dans son travelling continu. D'ailleurs, un hommage explicite est rendu à plusieurs cinéastes (Costa-Gavras, Kitano, Godard).
Les mots anglais (langue pratiquée en Grèce) disséminés dans ces poèmes constituent autant d'incrustations, telles des bribes d'une bande-son intérieure.
La force de "À Petros, crise grecque" me semble tenir à l'étroite correspondance qui s'établit entre la musique des mots et les images, unis dans la passion.
Extrait de "À Petros, crise grecque", d'Anne Barbusse :
elle a le visage de l'aube homérique
tu te tais - tu sais que l'amoureuse ira jusqu'au bout -
do what you what - tu as peur
tu signes la réversibilité de la peur dans l'hiver
ambivalent
l'après-Noël avait un goût de paradis alors tu te réfugies
dans le déni
c'est facile comme l'inertie de l'attente vierge
ton visage est mangé par l'espace et tu t'appliques à
l'autodestruction - but we have a correction - il faudra
bien que l'hiver déguerpisse
j'ai déjà suicidé mon amant voudrais-tu que je tue ce
désir clair
quand se rapproche la mort très jeune on a de sursauts
comme la mer d'hiver
l'amour est un goût de voyage qui échange le temps
mordu comme de l'espace et du ciel et de la terre -
l'amoureuse est une femme stérile mais certaine -
est ce voilier qui ne sait voguer - elle se penche sur
l'immobilité pleurée elle a
le visage de l'aube homérique - les doigts de rose - elle
contredit tous les réels
Si vous souhaitez vous procurer "À Petros, crise grecque", d'Anne Barbusse, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : brunoguattariediteur.fr