mercredi 19 février 2014

"Le cas Leleu", de Cédric Bernard



"Le cas Leleu" est un recueil cousu main qui raconte l'internement d'Alembert Leleu et sa mort progressive. Assortie de photos semblant d'époque (fin 19 e siècle ?) ou aux couleurs vieillies pour la circonstance, la description de l'évolution de la maladie de Leleu se veut la plus fidèle possible, la plus clinique.
En revanche, le rôle des poèmes, qui séparent chacune des séquences en prose de ce recueil, semble de donner l'envol au rêve, par contraste, et en même temps de réinstaller cette histoire dans le présent.
Comme si Alembert Leleu décrivait de l'intérieur son état. On le sait : la poésie est surtout faite pour cela. Et paradoxalement, malgré l'apparence, c'est comme si la poésie triomphait du récit clinique - d'abord remarqué - par sa supériorité d'expression.

"Je n'ai fait que passer dans les paysages
je n'ai fait que traverser comme un paysage dont je ne faisais pas partie
je n'ai fait que passer des paysages sous les paupières closes
que je repasse à présent que je n'ouvre plus les yeux
un fantôme carné dans sa pèlerine de gris élimé éliminé par la pénombre
du regard de l'autre qui se tourne alors que les pas se détournent
et s'appuient comme des ailes blanches blanches sur les épaules du vent
à migrer là où il fait toujours froid vers des cavités sans langues
sans pouvoir plus articuler autre chose que des pas à pas
un peu plus lentement loin de soi comme entre deux clignements
un peu plus loin de soi inscrit sur la terre des paupières"

Pour vous procurer ce recueil vendu au prix de 10 €, écrivez à Cédric : lesmotsdesmarees@gmail.com


mercredi 12 février 2014

"Jardin de poussières", de Jan Bardeau



Voilà un recueil à la reliure collée qui présente bien, et pourtant, ce n'est pas un recueil de fayot. C'est même tout le contraire. Et à y regarder de plus près, il y a de l'originalité dans ce petit livre. Pas de nom d'auteur, d'abord, indiqué dessus.
Vous en connaissez beaucoup, vous, des livres comme ça ? Bien qu'en coulisses, je sais que l'auteur est Jan Bardeau. Par contre, le titre, "Jardin de Poussières" est redoublé. Et la photo n'a apparemment rien à voir avec le titre et le titre n'a apparemment rien à voir avec ce qu'il y a dans le livre. Autre caractéristique également : seuls les poèmes sont numérotés et non les pages.
"Jardin de Poussières" démarre à fond la caisse comme un hymne à la vie, à la liberté, malgré toutes les contraintes du monde actuel. Ce bel optimisme s'efface petit à petit car il faut toujours compter sur la laideur des centres commerciaux, le pouvoir des médias et de tous ces gens cupides, la force de séduction du capitalisme, et l'impuissance de nos paroles.
Malgré tout, ce n'est pas trop grave, car à la fin du recueil, l'insouciance demeure intacte.
Quant au style, il est emporté, fleuri de mots rares ou incongrus dans le contexte. ça change !
Ce style semble dériver de la typographie employée, difficile à déchiffrer au début, mais à la fin, les caractères s'éclairent, comme si le lecteur était gagné par l'humeur de l'auteur...

"Je n'ai pas peur, on ne peut me toucher, et si je souffle le sang,
je n'ai pas peur on ne peut me toucher, et si mon menton
s'épaissit de vomi, je n'ai pas peur, on ne put me toucher,
et si ma famille se crispe au sol tordue
coupée, je n'ai pas peur, on ne peut me toucher,
et si le visage des tueurs hante les allées,
je n'ai pas peur, on ne peut me toucher, et si partout
ils meurent, et leurs membres se détachent pourrissent
et leur haine s'effondre sur la douleur
d'un ultime spasme et leurs crimes corrompent la Terre
empoisonnent leurs chairs, je n'ai pas peur, je n'ai pas peur
mes lèvres babinent, je n'ai pas peur,
mes yeux éructent, je n'ai pas peur,
la cendre me couche, la poussière
m'habille, on ne peut me toucher, on ne peut me toucher."

Pour vous procurer un exemplaire de ce recueil, écrivez tout simplement à Jan : disharmonies@free.fr