mardi 24 décembre 2024

"Scènes du placard", de Basile Rouchin

 

Publié par les éditions du Port d'Attache, "Scènes du placard", est le cinquième recueil de Basile Rouchin, qui succède à, notamment, "Dimanche sans bigoudis", paru aux Éditions du Citron Gare, que j'anime.

Formellement parlant, avec "Scènes du placard", je me retrouve donc en terrain connu.
En effet, comme dans "Dimanche sans bigoudis", il s'agit ici de proses qui se composent de quelques phrases, ou occupent une page complète du livre.

À mes yeux, ces "Scènes du placard" se situent à égale distance du récit et de la poésie. Si elles racontent des histoires, elles recèlent également moult jeux de mots, ainsi que des images qui court circuitent l'histoire. À tel point qu'un lecteur pressé passerait sans doute à côté de certains jeux de miroirs. D'ailleurs, ces proses ne sont pas destinées à être lues forcément dans l'ordre. Elles constituent autant de mondes clos, séparés.

À lui seul, le terme de "placard" définit les textes publiés. Tout d'abord, c'est un meuble essentiel pour une famille. Et ici, il s'agit toujours d'histoires familiales, qui mettent en lumière des personnes différentes, ou du moins, dont les prénoms diffèrent.
Sauf qu'on peut ranger tout plein de choses dans un placard. Au sens propre comme au figuré. Le placard se situe au milieu du huit clos familial. C'est évidemment dans un tel espace fermé sur lui-même que l'on range ses secrets de famille, sentiments et comportements inavouables, penchants coupables, vices, aspirations mal définies, bizarreries en tout genre. Le problème est que parfois, le placard s'ouvre impunément, exposant tout son déballage.

Justement, ces "Scènes du placard" en sont bien pourvues, de scènes, l'auteur maniant de surcroît le piquant avec dextérité.
L'humour est bien sûr présent, mais hélas, dans certains cas, quand, par exemple, le père use de violence envers sa compagne et/ou sa progéniture, le sourire laisse la place au malaise, voire à la honte ou à la révolte.

Ainsi, avec ces "Scènes du placard", l'auteur explore les territoires troubles d'une poésie délibérément réaliste, dans laquelle le lanceur d'alerte a aussi son mot à dire.

La préface est de Jacques Lucchesi et l'illustration de la première de couverture de Basile Rouchin.

Extrait de "Scènes du placard", de Basile Rouchin :

"Ursule se penche sur le parapet. La rambarde métallique coupe son souffle. Regardez-le faire la planche depuis le 4e étage ! Tout se joue au niveau de la poitrine : la sienne et celle de sa mère, collées au garde-fou. S'il est trop tard pour les soins, les seins, le peau à peau, les papouilles et autres options; reste à franchir ce vide compris entre terrasse et sol ferme. D'emblée, il devance la becquée. Tente un envol. Affronte l'espace. Toute son existence, Ursule sera en quête du contour qui nourrit, de la voix-limite. mais son esprit de fuite frappera à jamais ses rencontres, contrariera l'intimité et les fondations de son comportement : pertes de sang par le nez, du liquide séminal par le sexe, de la matière grise par le siège. Quête d'évasion. Évitement généralisé. Goût pour la Voie Lactée."

Si vous souhaitez vous procurer "Scènes du placard",  de Basile Rouchin, qui est vendu au prix de 8 €, rendez-vous sur le site des éditions : https://editionsduportdattache.blogspot.com/p/collection.html

dimanche 15 décembre 2024

"La femme au balcon" de Christophe Sanchez

 


Publié par les Étions Tarmac, "La femme au balcon", de Christophe Sanchez, est un livre divisé en deux parties totalement indépendantes l'une de l'autre. "La femme au balcon", qui donne son titre à ce volume, et "À la rue".

De la première partie, "La femme au balcon", je retiens surtout l'obsession pour cette femme qui sort régulièrement sur son balcon pour fumer. Une obsession vraiment prégnante qui passe le cap des saisons et des intempéries.
Malgré cette forte présence féminine, j'avoue avoir légèrement préféré "À la rue". Il était temps d'en reparler, de cette dame-là.
Car la rue, c'est tout ce qui reste à celles et ceux qui n'ont plus rien. Ici personnifiée, elle brille de mille nuances que la plupart des personnes ne remarquent même plus. Pas besoin d'être à la campagne pour descendre dans ces détails.

Extraits de "À la rue", de Christophe Sanchez :

        "On dirait bien que la rue se gondole au soleil. On voit au loin son chemin se vriller sur lui-même comme une vis sans fin. C'est l'effet du soleil, un mirage dans nos yeux. Sûrement mais pourtant, la rue souffre aussi bien, aussi mal que nous. De la chaleur et de bien d'autres affections.

La terre qui la porte garde la mémoire des températures, du temps qu'il fait comme du temps qui va. Sous ces pierres, une immensité de pensées fiévreuses accumulées en autant de strates qu'elle a de douleurs. On dirait bien que la rue se gondole sous l'effet de la somme de tout ce qu'elle a perdu - du très chaud jusqu'au très froid, du très dur jusqu'au très doux - et qui restera irremplaçable."

Si vous souhaitez vous procurer "La femme du balcon", de Christophe Sanchez, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.tarmaceditions.com/la-femme-au-balcon-de-christophe-sanchez

samedi 14 décembre 2024

"Le membre fantôme", de Marine Giangregorio

 



Publié par "5 Sens éditions", "Le membre fantôme" est le deuxième recueil édité de Marine Giangregorio.

Au-delà de la variété des situations, il y a, dans ce livre, une véritable unité de ton.
J'y vois en effet constamment un appel à l'air libre.
La nature, réelle ou imaginée, n'est pas là pour la décoration. Elle sert de réceptacle à l'individu ivre de liberté.
Ainsi, le lecteur a l'impression de se déplacer à grandes enjambées, de concert avec l'autrice, au fil de ces paysages intérieurs où les choses ne deviennent jamais étouffantes.

Dans ces grands espaces, la passion peut s'exprimer en toute plénitude, tenant à distance bonheur facile comme fatalisme.

Extrait de "Le membre fantôme", de Marine Giangregorio :

"L'attraction du vide

Elle n'est pas haute la distance qui va de ton regard
au sol
le vertige est sans fond,
sans fondement
Il fait la taille de ta nuque
de ton buste
de tes jambes
la taille d'une respiration
d'une odeur, d'un souvenir
à déglutir
Il fait surtout la taille de ta voix insondable
qui renonce
Elle n'est pas haute la distance qui va de ton regard
au sol
bruissent, menaçantes, les marches que tu descends
faisant attention à la pile d'assiette que tu tiens
Mais tu es dans la brèche de Roland
et ses neiges éternelles
tu vas sur la crête boueuse des monts d'Arrée
Elle n'est pas haute la distance qui va de ton regard
au sol
suffisante pour la chute
une avalanche
un éboulement
un corps qui dit qu'elle est toujours trop haute
la distance qui va de son silence
au sol
Les mots qu'il ne trouve pas
s'articuleraient
à terre
un filet d'air et de sang s'écoulant de la gorge
et les pierres déposées sur la voix
glisseraient
jusqu'aux yeux
Tu savais le gouffre dessous
dissimulé
sous la peau"

Le dessin de la couverture est d'Éric Demelis.

Si vous souhaitez vous procurer "Le membre fantôme", de Marine Giangregorio, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://catalogue.5senseditions.ch/fr/240_marine-giangregorio