En voilà, un livre de poésie qui ne ressemble pas aux autres !
Nous étions plusieurs à attendre la publication de textes de Claude Billon qui s'est fait désirer durant pas mal d'années.
Cette fois-ci, les pendules sont donc remises à l'heure.
Publié par les Éditions Baz'Art Poétique, dans la collection "Les poètes d'à côté", "Epistola", de Claude Billon est un drôle de volume.
"Epistola" semble désigner des lettres. Mais cela va ici bien plus loin. Le lecteur peut y voir des adresses à la population, pour la réveiller de son apathie. Car, pour moi, ces "Epistola" sont autant d'hymnes à la vie, à la liberté, à la simplicité, à l'univers de… Jules Mougin, le facteur (comme l'auteur) d'ami.
Nostalgie d'une époque révolue, avec toujours l'espoir dans le recommencement du soleil, de la lumière. Ce qui n'empêche pas à la lucidité de s'exprimer, sur nos maux politiques et sociaux. Décidemment, en cette époque où les poètes sont plutôt des élégiaques, quand ils ne nous enterrent pas vivants, Claude Billon refuse cette facilité. Il s'émerveille contre vents et marées. Dès lors, pourquoi ne pas se laisser emporter avec lui ?
Ces "Epistola" semblent se moquer de toute forme littéraire. Successions de proses denses, entre lesquelles s'intercalent quelques poèmes en vers libres. J'aime cette désinvolture apparente vis à vis de ce qui serait trop figé dans la poésie. C'est normal, en fait ! Si la poésie appartient à la vie, on ne sait pas quand elle s'arrête et quand elle finit…
Extrait de "Epistola", de Claude Billon :
"On s'est levés
ce matin avec de la promesse entre la tranche de pain,
jus d'orage et pommettes rieuses. Quoi donc ?
la passion jetée en vrac : ramasse les morceaux !
Soudainmentesque et tout habillé en préfet stupéfait
d'en faire une tonne comme la robe d'un ciel couillue de merlans
frits comme autant de gens futés qui croient savoir comme ils
savent comme on a déjà vu ce qu'on va voir ! À peine on agite
le monde réel et voilà qu'il tombe dans du baratin-baragouinage
c'est du beau coquilleux comme pour construire un mur et ça
vaut pas mieux que les soupers du Roi juste avant de faire
crever le Peuple hop-là ! mais là j'ai quasi rien d'autre à te dire
mon pote, crée ton bonheur : sois donc toi, natif d'autre chose
que ce brouillassier désir de remuer ciel et terre pour n'être
adopté que par de l'ennui ! le gilet-jaune jamais plus englouti
par nos égouts, alors qu'il méritait le Yellow-show dans les
tanneries de Fès, faire honte à la kalash qui fait merveille contre
la guibole des mêmes, tout est muscle artiste sauf le mépris
de l'Art ! ces fions changés en étron contemporain, cette
mayonnaise Ch'timi servie à la Joconde qatarie, déesse
de la péninsule Renaissance, l'âme du monde
elle s'est reluquée
n'est-ce-pas ?"
On peut tout à fait dire de ce style qu'il est goûteux. Rarement à ce point la jouissance par les mots ne m'aura fait penser au plaisir éprouvé à manger de la bonne nourriture.
La préface est de Vincent Wahl. La photographie en première de couverture de l'auteur, de Dom Corrieras et les illustrations originales, de l'auteur.
Si vous souhaitez vous procurer "Epistola", de Claude Billon, qui est vendu au prix de 15 €, rendez-vous sur le blog des éditions : http://bazarpoetique.blogspot.com/