mercredi 23 octobre 2024

"Il y aura toujours", de Victor Ozbolt

 

Publié par les Éditions Encres Vives, dans la Collection Encres blanches, "Il y aura toujours", de Victor Ozbolt, est un recueil de poèmes en vers libres d'une trentaine de pages.

Munis de leur présentation plus singulière qu'il n'y paraît dans le milieu de la poésie (vers courts centrés, avec un espacement entre eux, et séparés en strophes), ces textes portent leur caractère sur eux.

Je veux dire par là qu'ils montrent ce qu'ils expriment. De l'espace en eux, soulignant leur côté aérien. De la simplicité également, à la fois dans l'écriture (pas si facile que cela à obtenir) et la perception. Comme une invitation au rêve permanente, à l'espoir surtout. 

De ce point de vue, le titre résume bien le sujet du recueil : "Il y a toujours" (un moyen de s'en sortir, ou de voir le bon côté des choses).

À noter qu'ici les vers sont vraiment des vers, plutôt que des phrases découpées en vers.

Extrait de "Il y aura toujours", de Victor Ozbolt :


"Contre-attaque


Malmenés fragilisés

C'est pourtant à cet instant

Qu'il nous faut contre-attaquer


Inverser les paysages

Convier d'autres créatures

Et d'autres chorégraphies


Éblouir en mélangeant

Les maillots et les miroirs

Les crampons et les comètes


Les ballons et les saphirs"



La couverture est de Lisa Noël.

Si vous souhaitez vous procurer "Il y aura toujours", qui est vendu au prix de 6,60 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://encresvives.fr/
Sinon, contact : encres.vives34@gmail.com

samedi 19 octobre 2024

"365 + 1", de Thibault Marthouret

 

Sous-titré "poésie d'anticipation", "365 + 1", de Thibault Marthouret, est son cinquième recueil publié, cette fois-ci par les Éditions de l'Attente, dans la série "Alimage".

Il est précisé, à l'intérieur de ce nouveau livre, que "l'auteur a bénéficié d'une résidence à la Factorie, Maison de Poésie / Normandie."

Tous les poèmes du recueil, qui sont au nombre de 365 (soit, pas difficile à deviner : un poème par jour), se proposent de faire le tour d'une année, même si cela est avant tout un symbole. Et tous les poèmes débutent par "Portrait de demain". 
S'il s'agit là de "poésie d'anticipation", je crois qu'on peut mettre dans cette expression toute la distance de l'ironie. Toute la distance pour se rapprocher du réel. Car "poésie d'anticipation" ne signifie pas surtout science-fiction. Si l'anticipation existe, elle découle directement du présent.
Ce n'est certainement pas un appel à la révolte, mais plutôt, et plus simplement, un appel à appréhender le monde dans son immédiateté et sa richesse.

Cette proximité du futur va de pair avec la proximité de l'espace. Des objets ou sensations familiers sont évoqués, mais tout n'est non plus bêtement réel. Ceci n'est pas une liste ! 
L'extrême variété de "365 + 1" est à souligner. Aux notations les plus brèves répondent des poèmes plus développés où les images en appellent d'autres, et où la critique d'états de fait est plus présente aussi.

Bref, le lecteur que je suis ne s'est pas ennuyé avec ces "365 + 1". J'aimerais parfois que le quotidien se pare de tels oripeaux. Sauf qu'il ne tient qu'à nous de l'habiter autrement, le quotidien ! 

À noter, en fin de volume, l'initiative originale d'ajouter un index thématique. Plutôt rare, pour un livre de poèmes !

La photographie de couverture est de Franck Pruja.

Extraits de "365 + 1", de Thibault Marthouret :

"166.
Portrait de Demain
ébouriffé : un chant d'oiseau
répond à l'écho d'un autre,
un troisième interjette;
la forêt tourmentée relaie le message
- les réseaux essentiels ont résisté.


167.
Portrait de Demain
en question qui ne se pose pas,
Demain sûr de soi, de lui, de toi, pris
pour acquis, solide
comme un roc que la nuit dilue.

168.
Portrait de Demain
parce qu'hier, nous t'avons assez vu,
trop vu, vu au présent et conservé
comme une dent de lait,
une mèche de cheveux blonds et bouclés
à l'intérieur d'un médaillon,
préservé comme un oignon blanc,
passé au formol, passé à la saumure,
Hier restauré, Hier patrimonialisé.
de patrimoine usés, sclérosés,
nous te portons aux nues,
nous n'osons plus avancer,
devenir autre chose que des touristes
ou des gardiens de musée,
nous suffoquons dans tes filets,
dans tes rets de passé réécrit, fantasmé,
projeté sur l'avenir comme ces toiles de maître
qui flottent, ectoplasmiques,
sur les murs des anciens bunkers,
des anciennes fonderies. Aujourd'hui,
nous faisons la queue
pour qu'on nous trompe l'œil."

Si vous souhaitez vous procurer "365 + 1", de Thibault Marthouret, qui est vendu au prix de 17 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editionsdelattente.com/book/3651/

dimanche 13 octobre 2024

"Ohitza", d'Anne Barbusse, Louis Ausquichoury et Loan Diaz

 

"Rencontre par la poésie et par l'image" : voilà qui résume bien ce livre, publié par le collectif Poetisthme.

Anne Barbusse et Loan Diaz ont écrit les textes du volume, bien longtemps après que les photographies aient été prises, dans les années soixante et soixante-dix. Louis Ausquichoury, auteur de ces instantanés, souvenirs d'un géomètre voyageur, les a léguées à Loan Diaz qui ne voulait pas qu'elles restent dans l'ombre.

Cela aurait été dommage, car ces photographies constituent un document précieux sur la vie des pays visités, hors Occident : Cameroun, Sénégal, Soudan, Égypte, Jordanie, Israël, URSS. 

J'ai beaucoup aimé ces photos. Pour leurs couleurs tout d'abord : dominante de bleu sombre et de noir. Le fait aussi que les personnes dessus ne sont pas toujours bien visibles. Cela ajoute à l'aspect sauvage des images, à leur spontanéité, désormais figée par le temps.

Car on est ici aux débuts du tourisme de masse. Alors, ces photos, il fallait les faire parler. Ce à quoi s'emploient Anne Barbusse et Loan Diaz, chacun à leur manière.
À l'objectivité apparente (description de l'image) d'Anne Barbusse répond l'intériorité de Loan Diaz. Deux manières différentes de voir et d'interpréter, mais qui dénoncent / déplorent le complexe de supériorité de nos pays face à l'Afrique et le Proche Orient, ainsi que le totalitarisme de l'ex-URSS.

L'avant-voir (ou préface) est de David Paigneau.

Extrait de "Ohitza", d'Anne Barbusse et Loan Diaz (la photographie correspondante est "transcrite" en première de couverture) :

"entre l'eau du fleuve large et la craquelure des terres
homme en blanc marche de dos ne sait pas
un muret de béton draine la réalité
toutes les lignes de fuite convergent vers la droite
y compris
les quatre fils électriques
(puis cela débouchera plus tard
sur le global warning)
l'homme fuit vers la ligne de fuite fuit
le photographe part vers l'avenir ne sait pas
le vent engouffre l'étoffe blanche
la terre vierge l'eau lisse s'offre à la captation des
énergies
le monde semble encore pur

[Anne Barbusse]

un autre riverain des marges, né pour déborder les frontières, celles que tu n'as jamais pu colorier qu'en franchissant les pointillés et les traits.

est-ce pour rejoindre les autres évadés des cartes, est-ce pour perpétuer cette pleine-enfance que tu es si souvent parti ?"

[Loan Diaz]

Si vous souhaitez vous procurer "Ohitza", d'Anne Barbusse, Louis Ausquichoury et Loan Diaz, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://poetisthme.cargo.site/

lundi 7 octobre 2024

"L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes

 


C'est par le conte et par le rejet du conte que le lecteur entre dans "L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes, publié par les Éditions "Sous Le Sceau Du Tabellion".

Voici déjà l'enfance décrite puis l'échappée de l'histoire familiale, bref, une vie qui semble être racontée par ordre chronologique. 

La deuxième partie, intitulée "la femme du feu des forêts (poèmes bruts)" nous replace justement "brutalement" dans le présent par la description d'un incendie. À partir de là, la nature devient de plus en présente en ces pages. Elle n'a d'ailleurs pas toujours valeur de refuge, contrairement à ce que l'on pourrait croire. La narratrice d'abord besoin de s'y habituer, avant de l'aimer plus particulièrement. C'est qu'ici est décrite vraiment ce qui semble être une nouvelle vie.
La nature est également relation amoureuse.

À noter, en fin de volume, cet hommage rendu à la mémoire de Christian Bobin.

Dans chacune des parties de "L'embrasement des siècles", la passion l'emporte largement sur la toile de fond que constituent la faune et la flore, ce qui n'empêche pas à ces dernières de nimber l'existence d'une aura fantastique.

Extrait de "L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes :

"C'est par amour
Que je n'ai point cédé à tes caprices.
C'est par amour
Que j'ai quitté ta cour il y a ces années.
Des larmes ravalées serrées dans mes poings
Et mes poings serrés dans mes poches
J'ai pris la route des forêts.

Comment t'en vouloir ?
Une vie de femme
Demande plus de courage
Qu'une vie de roi.

L'affront que je taisais,
J'ignorais que tu avais porté
Son sceau avant moi.

J'ignorais l'existence
De la fillette aux yeux violets
Qui jadis allait sautillant
Sur le chemin muletier
Parmi les asphodèles.

J'ignorais en toi l'orpheline
Aux genoux cagneux, aux bras maigres
Qui pleurait sans un bruit
Dans le couloir du pensionnat ?

J'ignorais tes rêves d'alors,
Tes espoirs foudroyés
Ce jour où, enfant nue,
Cet homme étranger t'a saisie au poignet.

Il était jardinier
Au service de tes parents.
Est-ce pour venger sa terre, son sang
Qu'il a brandi
Son arme de chair ?

Les yeux violets
Ont tourné en dedans."

Les illustrations des pages intérieures sont de Georges Lemoine.

Si vous souhaitez vous procurer "L'embrasement des siècles", d'Héloïse Combes, qui est vendu au prix de 18 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.sceaudutabellion.fr/catalogue

"Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier

 
Publié par les Éditions Tarmac, "Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier, est un recueil de poésie qui étonne d'emblée par sa variété, à travers une centaine de pages bien remplies.

Formellement, tout d'abord, les poèmes en vers libres sont entrecoupés de séquences en prose ou de dialogues.
Ce recueil est surtout coiffé d'une préface qui donne le ton du livre, n'hésitant pas à faire part de convictions personnelles. On apprend à l'école et au travail à être le plus objectifs possible. Eh bien ici, on réapprend la subjectivité : expression d'émotions, d'un idéal (un gros mot aujourd'hui).

"Nous les derniers vivants" est surtout un hymne à Gaïa, la Terre, c'est à dire à la nature, mais également à la vie simple qui l'accompagne. Tout le contraire de ce qui pourvoie à la révolte en ces pages : société de consommation, appauvrissement de la nature, vies en villes elles-mêmes appauvries, individualisme et avant tout, absence totale d'imagination, enfin, pauvreté des laissées pour compte de la société.

Bref, le monde le plus ordinaire dans lequel nous vivons : apoétique, avec des acteurs qui sont plongés la tête dans le téléphone portable.
Dans ces poèmes en vers libres, là encore, Chloé Charpentier n'hésite pas à faire éclater sa rage, ce qui est assez rare dans le monde des lettres, d'ordinaire (trop) bien élevé (mais pas dans l'empathie).

À l'arrivée, le résultat est une belle poésie lyrique qui se lit comme elle respire : naturellement.

Extrait de "Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier :

"Les enfants ne meurent plus de la tuberculose
les mères ne meurent plus en couche
et les hommes ont perdu le goût des blessures
            de guerre

Non tout cela est passé
pour nos cœurs plus justes

Les hospices de la Démocratie ont eu raison
            des morts

Soyons fiers mes frères
ornons nos écus et nos insignes
ô puissance - puissance de notre civilisation -
prodigue en art et économe
tout compte pour nous
car nous savons compter

Pour un euro dans une cave clandestine
on coud des habits à Paris
on ramasse des fruits ou des cabosses en
            Afrique
on fabrique des gadgets au lithium
bonne affaire sur la main-d'œuvre
on s'offre des séjours en Thaïlande avec de petites
            friponnes
on ramène des panses décontractées et des
            colliers de fleurs
tous ceux-là et tous ceux-ci
que nous saluons d'un sourire apaisé

Nous sommes bien au-delà de la misère du
            monde
nous avons érigé des textes de loi
plus limpides que les eaux baptismales
enseignés dans l'amour dans la joie et dans la
            paix

Nous sommes horlogers
de la grande horlogerie

Calés dans la vie comme en un vaste champ
regardez le soleil se coucher au loin
et soyez certains de sa courbure intacte
de son feu qui inonde les quatre coins du
            monde

Prenez-en la mesure et prenez la nôtre
sous notre couronne
nous régnons sereinement"

La couverture est une Encre de Chine de Clémence Pierrat.

Si vous souhaitez vous procurer "Nous les derniers vivants", de Chloé Charpentier, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.tarmaceditions.com/nous-les-derniers-vivants