dimanche 26 février 2023

"Cordon sanitaire", de Thierry Roquet

 

Publié par les Éditions Gros Textes, "Cordon sanitaire", de Thierry Roquet  est constitué d'une cinquantaine de pages (en petit volume) d'aphorismes. Genre très difficile, du moins à mes yeux, mais qui, me semble-t-il, convient bien à son auteur.

Ces aphorismes sont l'occasion, comme souvent d'ailleurs, de faire des constats lucides sur soi-même et sur le monde qui nous entoure. Constats partagés, la plupart du temps. Sensation de lire quelque chose de vrai, qui, en même temps, joue sur les mots. 
Parfois, aussi, les jeux de mots laissent la place à la simplicité, ce qui fait tout drôle, comme si l'on se retrouvait dans l'oasis de l'oasis. 
Enfin, d'autres fois, la singularité de ces constats surprend.
Bref, la somme de tout cela finit par donner quelque chose de très complet.

Ci-après, dix extraits de "Cordon sanitaire", de Thierry Roquet :

"Jamais ne résoudrai toutes mes contradictions. D'où une sincérité à géométrie variable."

"Je prends peu de décisions tranchées mais je détesterais qu'on les tranche à ma place."

"Je suis sensible encore aux voitures qui grelottent de froid, la nuit."

"Saltimbanque de sperme".

"Tant d'inconnus qui, lorsqu'ils meurent, restent inconnus. Mais morts."

"Le monde a changé ; moi aussi. L'avenir dira s'il a pris son envol ou du bide."

"J'aime assez qu'on me jette des fleurs, même si je ne sais pas bien les arroser."

"Terminus, tout le monde descend de son piédestal."

"La fenêtre d'en face est un drôle de visage".

"Je n'ai rien contre la mélancolie. Nous avons grandi ensemble."

La couverture est de Gwen Guégan.

Si vous souhaitez vous procurer "Cordon sanitaire", de Thierry Roquet, qui est vendu au prix de 6 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/cordon-sanitaire/

"Comme je coupe les oignons", de Laetitia Cuvelier

 
Publié par les Éditions Gros Textes, "Comme je coupe les oignons", de Laetitia Cuvelier est, comme l'explique l'autrice, dans son introduction, une suite de fragments qui captent des moments de vies des migrants lors de leur passage par la frontière franco-italienne.

J'ai été souvent touché par ces courts poèmes en vers libres dont la finesse et le naturel (bienheureux oubli de tout pathos) tranche avec d'autres textes de circonstances.

En même temps, le lecteur que je suis a apprécié la variété de ces textes qui prouve que c'est du vécu.

Extrait de "Comme je coupe les oignons", de Laetitia Cuvelier :

"Ton embarcation si frêle
les vagues géantes
écumantes
ce n'est pas de l'audace
c'est de la folie
tu sais ? tu sais
tu préfères la mort devant
à la mort derrière
bouteille humaine à la mer
devenue folle de nos folies
sur la plage cette nuit
la barque à la merci des courants
des vents contraires
c'est ton tour
tu vas monter
tu vas prier
pendant que je dors
cette nuit encore"

La couverture et les images sont de Julien Bernard.

"Comme je coupe les oignons" de Laetitia Cuvelier est vendu au profit de l'association Refuges solidaires qui depuis 2017 accueille, soigne et accompagne sans relâche les exilés : https://refugessolidaires.com/

Si vous souhaitez vous procurer "Comme je coupe les oignons", de Laetitia Cuvelier, qui est vendu au prix de 8 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/comme-je-coupe-les-oignons/

"À l'ombre", d'Olivier Hervy

 

Publié par les Éditions Gros Textes, "À l'ombre" d'Olivier Hervy est ma dernière belle découverte de lecteur.

Formellement parlant, il s'agit d'une suite de courts récits (sous-titrés "Minuties"), louchant vers le poème en prose, qui commencent tous par une introduction en gros caractères et se poursuivent par des paragraphes de quelques lignes seulement.

Si vous avez de l'humour et que ce dernier consiste à avoir une finesse d'esprit au-dessus de la moyenne, "À l'ombre" pourra vous plaire.

Par exemple, on peut dire que l'auteur (ou son double) n'a vraiment pas de chance avec ses voisins. Je lui conseillerais volontiers de vivre sur une île.

L'ensemble des textes qui composent "À l'ombre" sont bâtis sur une obsession qui finit par déteindre sur tout l'univers du narrateur.

Extrait de "À l'ombre", d'Olivier Hervy :

"Elle achète une bague en forme de serpent. Petit boa qui n'arrivera pas à ses fins.

Je m'inquiète, pas de trace de ma fille dans sa chambre et, sur sa table de chevet, sa bague serpent. Je regarde de travers ce petit boa qui somnole comme s'il digérait. Mais ma fille sort de la salle de bain.

Deux petites araignées sur la table de chevet de ma fille, à côté de sa bague serpent. Certainement une nouvelle paire de boucles d'oreilles. Mais elles se déplacent.

Incapable de mettre la main sur sa bague serpent de septembre à mai, voilà que ma fille la retrouve en juin.

Une violente morsure au doigt alors que je saisis la bague serpent dans la boite à bijoux de ma fille ! Mais c'est l'attache pointue d'une boucle d'oreille."

La photo de couverture est de Sandrine Chevillard.

Si vous souhaitez vous procurer "À l'ombre" d'Olivier Hervy, qui est vendu au prix de 7 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://grostextes.fr/publication/a-lombre/

"Trashaïkus", d'Éric Dejaeger

 

Éric Dejaeger écrit aussi des haïkus. Il faut dire que ce genre de poèmes, très courts (3 vers de respectivement 5, 7 et 5 syllabes chacun) est toujours à la mode, bien qu'il ne soit pas de chez nous (les haïkus viennent du Japon).

Donc, vous l'avez compris, si vous voulez être publiés, écrivez vos haïkus. Vous multipliez vos chances.
Ainsi, mieux vaut faire comme les autres plutôt que de se singulariser en n'obéissant qu'à ses propres impulsions. C'est bien ça, la poésie, non ?

Publiés par les Éditions Tirtonplan, les "Trashaïkus" respectent scrupuleusement l'ordonnance ci-dessus, mis à part qu'ils sont trash.

Cependant, à partir du moment où ce sont des haïkus, tout va bien, n'est-ce pas ? C'est OK au niveau de la recette ?
Jugez-en plutôt avec ces quelques extraits :

"tour en vtt
jolis sentiers plein de détruits
anus plein de boue"

"précautions bien prises
beau bébé neuf mois plus tard
capote farceuse"

"amas de ferrailles
cinq voitures quinze morts
pollueurs en moins"

"postérieur spécial
sorte de cœur dans la fente
menstrues sous jean blanc"

"fillettes en larmes
Petits Bateaux en charpie
cardinaux absous"

24 de ces 50 Trashaïkus ont été publiés en 2009 aux éditions Du soir au matin par les bons soins de Pierre Soletti.
Et 12 des mêmes ont été également publiés dans le numéro 20 de "Traction-brabant" en octobre 2007.

mercredi 22 février 2023

"Lundi propre", de Guillaume Decourt

 


Publié par les Éditions La Table Ronde, "Lundi propre", de Guillaume Decourt se présente comme une suite de 70 dizains rimés : une forme souvent pratiquée par l'auteur.

Cette description formelle sommaire ne saurait s'arrêter là, car il y a beaucoup de choses à dire sur ces poèmes.

Tout d'abord, ces dizains ont tous un titre (et un numéro), ce qui n'est pas si habituel dans la poésie d'aujourd'hui. En effet, cette dernière fait souvent l'économie des titres, surtout quand les poèmes sont aussi courts. Mon affirmation est, bien entendu, empreinte de dérision, et la démarche du poète semble avoir la même caractéristique.

Ensuite, ces dizains permettent de faire à la fois le tour de la terre, et presque le tour des personnages qui la peuplent. C'est dépaysant et exotique. Le "je" est employé la plupart du temps, ce qui donne à penser qu'il s'agit là d'instants de vie (on ne doute pas qu'il y a de la vie là-dedans), mais d'instants de vie réels.

Du coup, le plaisir du lecteur consiste à essayer de deviner "entre les vers" si toutes ces anecdotes sont vraies ou fausses. Ce jeu est perdu d'avance, autant l'avouer. Surtout quand on fait semblant de ne pas savoir que c'est faux ! Mais ce jeu de lecteur vous amène avec facilité au bout du livre.

Il y a également pas mal d'inflexions musicales dans ces poèmes. Peut-être la "faute" au piano qu'a beaucoup pratiqué Guillaume Decourt. On a vite fait de passer du mode majeur au mode mineur et vice-versa. Il ne suffit pas d'utiliser, pour cela, beaucoup de mots pour le dire, il suffit d'utiliser les bons, y compris quand ils semblent décalés - anglo-saxons, ou tout simplement - le vilain mot - étrangers.

Et puis, l'auteur a le sens des formules bien ajustées, qui vous flinguent au détour d'un vers. Formules qui ne sont pas que des formules, même si peut-être, elles ne sont pas que des vérités.

Bref, à l'arrivée, le lecteur ne sait pas si c'est du lard ou du cochon. La poésie de Guillaume Decourt oscille comme cela entre plusieurs petits états qui ne figurent pas forcément sur la carte du monde, mais qui peuvent emprunter la carte du cœur.
Car justement, la justesse des poèmes publiés ici dépend de cette recherche d'équilibre permanent, pour résumer, entre la tristesse et la joie.

Extrait de "Lundi propre", de Guillaume Decourt :

"56. NUITS

Monts du Forez ou bien Nouveau-Mexique
Je n'aurai pas assez vécu ma mère
Je n'aurai pas assez vécu mon père
Ils sont ici les Jumeaux Héroïques
Grecs français ou peut-être Navajos
Ils s'en prennent à mon sens de l'humour
J'invoque les possibles je songe au
Temps qui a passé j'appelle au secours
La tour Eiffel scintille chaque nuit
Je porte mes bottes de Tasmanie"

Si vous souhaitez vous procurer "Lundi propre", de Guillaume Decourt, qui est vendu au prix de 14 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editionslatableronde.fr/

lundi 20 février 2023

"Ils ont peur", de Georges Cathalo et Lionel Balard

 


Cinquante quatrième "Cahier des Passerelles", "Ils ont peur", de Georges Cathalo et Lionel Balard est un court recueil d'une dizaine de poèmes très joliment illustrés (gravures et monotypes) par Lionel Balard.

Plus particulièrement, la part de moi-même qui est à la recherche de la vérité a vibré à la lecture de ces textes.

En effet, le "Ils" de "Ils ont peur" devrait s'appeler "Nous", tellement le portrait qui est fait de nous (la plupart des personnes) me semble fidèle.

Ainsi, en démontrant que nous avons peur de tout de son contraire (gâtés pourris que nous sommes par la société de consommation), Georges Cathalo, pour moi, ne s'est pas trompé de cible.

Extrait de "Ils ont peur", de Georges Cathalo :

"Ils ont peur de vivre
Avec les couleurs qui se croisent
Avec des mots qu'ils entendent à peine
Copeaux qui tombent sciures qui volent

Ils ont peur de mourir
En serrant la main froide
Main à plume ou main à charrue
Qu'ils ne peuvent sauver de l'oubli"

Si vous souhaitez vous procurer "Ils ont peur", de Georges Cathalo et Lionel Balard, qui est vendu au prix de 5 €, contact : Les.passerelles@laposte.net