mardi 30 septembre 2025

"La toile de Pénélope", de Lucie Roger

 

Premier recueil de poèmes publié de Lucie Roger, par les Éditions du Petit Rameur, "La toile de Pénélope", de Lucie Roger, se compose de dix poèmes en vers libres, parfois assonancés.

Chaque texte est une déclinaison du premier de leur série, intitulé "Pénélope", cette femme légendaire qui vit dans la séparation d'avec l'autre, nommé par la deuxième personne du singulier.

Cependant, la déclinaison est moderne car ici, c'est Pénélope qui voyage. Nombreux sont les lieux visités : Arquià, Marrakech, Tunis, Avignon, Douvres, Égine et Sienne. Mais unique est la séparation.

Si les vers sont souvent courts et rythmés, quand ils s'allongent, le lyrisme prend son envol. Cependant, subsiste toujours leur douceur mélancolique.

Extrait de "La toile de Pénélope", "Sienne", de Lucie Roger :

"Pas un spectacle
La vie, parfois, tourne
Comme ces chevaux
Sur la place del Campo
Battant les pavés recouverts
De sable tels des souvenirs,
Ceux qui ne s'effacent pas.

Pas un spectacle
À regarder chaque jour
Les chevaux soufflent
Souffrent des attelages
De la chaleur écrasante
D'août, suffocant
Comme, même enseveli,
Ce que l'on n'oublie pas.

Pas un spectacle, 
Mais ton souvenir
Tournant dans ma tête
Battant, chassant le sable
Comme ces chevaux
Qui piaffent, hennissent, ruent
Pour qu'on ne les oublie pas."

L'illustration de couverture est de Catherine Merle.

Si vous souhaitez vous procurer "La toile de Pénélope", de Lucie Roger, qui est vendu au prix de 5 € (+ 3 € de port pour une commande de 5 à 30 €), rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://www.petitrameur.com/editions.html

mercredi 24 septembre 2025

"À la marge", de Catherine Andrieu

 

Publié par les Éditions Unicité, "À la marge", de Catherine Andrieu est un recueil de poèmes en vers libres dont la caractéristique principale est la puissance, cette puissance qui transforme la réalité en quelque chose de meilleur.

En dix-sept poèmes, l'autrice narre des parcours de vie, souvent féminins, empruntés à la légende, à l'histoire, même contemporaine, ou à sa vie.

Dans chacun de ces textes, plus précisément, sont montrées des situations d'oppression plaçant les protagonistes en marge des vivants ordinaires. Il ne leur reste plus que leur fierté, ce qui ne les empêche pas de continuer à résister. Il en résulte une envie farouche de vivre, malgré les obstacles, envers et contre tous.

Extrait de "À la marge", de Catherine Andrieu :

"Je suis un corps propulsé, une traînée d'éclats,
le sol tremble sous mes pas mais je n'ai plus de poids.
J'arrache l'espace, je fracasse l'horizon,
trop vive, trop brûlante, trop affamée pour m'arrêter.

J'ai l'urgence tatouée dans les os,
chaque battement cogne comme une détonation,
et je refuse d'attendre.
Chaque seconde est une brèche,
chaque instant un combat
contre l'engloutissement.

Je traverse le monde comme une comète,
une déchirure dans le ciel.
Je veux boire la lumière
jusqu'à l'éclatement,
mordre la chair des jours
avant qu'ils ne s'effacent sous mes dents.

Aucune promesse, aucun répit,
rien à remettre à demain.
Tout est là, maintenant,
dans cette fièvre qui me consume,
dans ce vertige qui m'arrache à moi-même,
dans cette course effrénée
contre l'inévitable.

Mais qu'elle attende encore,
cette ombre tapie derrière mon souffle.
Moi, je dévore l'instant
jusqu'à l'os,
jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien à aimer,
plus rien à perdre."

Tout un programme, toute une philosophie de vie.

L'avant-dire est de Catherine Andrieu, ainsi que l'illustration de couverture.

Si vous souhaitez vous procurer "À la marge", de Catherine Andrieu, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editions-unicite.fr/auteurs/Catherine-Andrieu/a-la-marge/index.php

mardi 23 septembre 2025

"Les nuits m'ont porté conseil", de Candice Pebay

 

J'ai découvert par hasard ce recueil (en lisant mon quotidien) de Candice Pebay, intitulé "Les nuits m'ont porté conseil", et publié par les Éditions L'Harmattan.
Il s'agit d'un premier livre d'une très jeune femme. Ce livre est d'ailleurs typique d'une adolescence, avec ses nombreux points d'interrogation (demandes d'explication, de compréhension) et nombreux tourments.

Les poèmes sont rédigés en vers libres qui tendent, la plupart du temps, à devenir des phrases. Les poèmes comptent, souvent, plusieurs pages. Plus rarement, ils ressemblent à des chansons.
Ils peuvent raconter une histoire, plutôt douloureuse. Les tourments de l'autrice, qui semblent venir de son histoire familiale, engendrent des tentatives d'autodestruction, d'où cette tonalité sombre. Il semble aussi que Candice Pebay prennent d'autres malheureux sorts à sa charge, comme pour dresser le portrait d'une génération.
Ainsi, le lecteur suit la narratrice sur ce fil tendu de la fragilité.

Au-delà du style de Candice Pebay, qui n'est pas encore stabilisé, et comporte certains clichés, j'ai aimé "Les nuits m'ont porté conseil", par sa sincérité d'expression, une sincérité bien oubliée quand on devient un adulte, et plus encore, quand on devient un adulte écrivain !

Extrait de "Les nuits m'ont porté conseil", "Ils sont défait vos lits", de Candice Pebay :

"Où vos âmes se sont enfuies,
enfuies dans vos rêves, les filles.
Ils sont déjà défait vos lits.
Plus de prison tenant sur un mètre de lit,
ils ont défait vos lits.
Prisonniers de vos rêves et souvenirs,
prisonniers de vos règles qui l'obligent sans cesse à tenir,
ils ont défait vos lits et, avec, vous êtes partis, je l'espère,
retrouver vos vies que vos parents vous ont prises.
Avant même que vous ayez pu dire oui,
ils ont défait vos lits."

L'illustration de couverture est de Lola Sion.

Si vous souhaitez vous procurer "Les nuits m'ont porté conseil", de Candice Pebay, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editions-harmattan.fr/catalogue/livre/les-nuits-mont-porte-conseil/79403?srsltid=AfmBOoqhbYW1-Ku-haRCw-bG6mLRw4_8n4TWiBEIiRiyvr3eoYnhjJJD

"D'un côté l'autre", d'Élisabeth Morcellet

 

Publié par Tarmac éditions, "D'un côté l'autre", sous-titré "La porte de Janus", d'Élisabeth Morcellet, m'a tout d'abord plu par sa densité d'écriture.
Ces proses sont celles de l'empêchement, qui est décrit par l'empilement d'expressions qui disent à peu près la même chose, mais qui entraînent peu à peu des déplacements de signification, comme si l'on progressait dans sa lecture par ondes concentriques.

L'empêchement est celui de la masse humaine quand il s'agit de se révolter contre l'ordre établi. Car dans ces pages, l'histoire est résolument collective. Ainsi, à la densité de l'écriture répond celle de la population.
L'autrice semble décrire de l'intérieur la naissance des mouvements sociaux, ainsi que leur reflux, ce repli égoïste, cette paresse trop souvent inhérents à l'homme.

Et à la fin, se fait jour, tout de même, un échec social. Et pourtant, ce n'est pas faute d'avoir ressenti la rupture (peut-être illustrée par les confinements de la période Covid). Une prise de conscience existe réellement, s'agissant par exemple du gaspillage des ressources naturelles. L'idéal se fait jour à l'horizon. Hélas, les lendemains déchantent toujours et il ne reste plus que les regrets.

"D'un côté l'autre" montre le délitement de la révolte, après son empêchement, qui se disperse, en fin de cycle, à travers quelques phrases anodines. Paradoxalement, cette légèreté presque décevante montre que peut-être, rien n'est perdu.

Si "D'un côté l'autre" est un livre engagé, il montre avant tout les allers-retours de la conscience collective, cette "Porte de Janus".

Extrait de "D'un côté l'autre", d'Élisabeth Morcellet :

"Avant, donc que ne survienne une cause incontournable de mortalité, incluant les mémoires et les résurgences des êtres disparus, chez les vivants bien portants, à l'intérieur même, qui constamment remplissaient le puits des souvenirs à gogo, il pourrait alors y avoir, une chose ponctuelle inattendue, impliquant un renversement total de situation, une survenue affectant le mécanisme général voire mondial, dans ses facultés à fonctionner, à produire, à nourrir, à protéger, à soigner, à distraire, à cultiver, à enseigner, et donc à fournir chaque besoin selon l'humain, pour le tenir en vie, dans sa capacité à résoudre une crise globale plongeant l'avant d'une époque sereine dans le chaos et l'inconnu d'un après à reconstruire, et c'est ce qui semblait être arrivé sauf si, selon le sens du regard posé…"

L'illustration de couverture est de Calum Fraser.

Si vous souhaitez vous procurer "D'un côté l'autre", d'Élisabeth Morcellet, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://fepemo0.wixsite.com/tarmacachats/d-un-c%C3%B4te-l-autre-de-elisabeth-morcellet

lundi 22 septembre 2025

"En roue libre", de Tristan Felix


Publié par Tarmac éditions, dans sa collection Ricochets, "En roue libre", de Tristan Felix, est sous-titré "12 lettres à la mer".

On peut affirmer que la lettre est un genre littéraire en soi. Sa caractéristique principale est de s'adresser à quelqu'un. Mais on peut aussi s'adresser aussi à quelqu'un qui ne vous écoutera jamais. Voire à quelque chose. Ici, c'est bien le cas. C'est même plus drôle quand ça se passe comme ça : car on peut crier plus fort sa révolte.

Dans ces "12 lettres à la mer", Tristan Felix s'adresse à des êtres à problèmes : un inspecteur des finances, une directrice d'EHPAD, les métronautes, dieu, voire la force de l'ordre, la mort, voire à des êtres qu'elle aime : sa mère, Buster K, Gove de Crustace.
Bien sûr, s'il n'y a pas d'écoute, il n'y a pas non plus de réponse. C'est tout le portrait craché de ce satané lecteur.
Mais le lecteur constitue aussi l'espoir. 
Alors, pour lui, il faut y aller fort. Du coup, le lecteur peut pardonner certains accès de férocité lancés contre une indifférence crasse. D'autant plus que la tendresse, parfois, prend le dessus.
Les petits caractères de "En roue libre" conviennent parfaitement à cette accumulation de mots, parce qu'ils sont précis, et qu'ils s'articulent bien les uns avec les autres. Tout l'art de toucher le lecteur par les mots.

Extrait d'une lettre extraite de "En roue libre", de Tristan Felix :

"            Chère Estelle

             Je sais bien que tu es très morte mais, sait-on jamais, tes molécules flottent peut-être dans les parages, dans le nid venteux d'une mésange, sur le flanc d'une coque de harenguier, dans la main d'un chien pensif, sous une pierre abritant une congrégation de carabes agités, peut-être même dans les lignes que je trace au hasard maîtrisé des images qui sont mes hiéroglyphes. Tu ne liras pas personnellement cette lettre mais j'en diffuse le pollen que tu m'as transmis car poètes, rêveurs et rebelles forment une famille dilatée par l'effroi qu'ils adoptent et domptent. Il est bien possible que quelques-uns t'aient aperçue dans leur champ de visions et captent ces quelques lignes, même sans savoir leur lignage."

Le dessin de couverture est de l'auteur.

Si vous souhaitez lire "En roue libre", de Tristan Felix, qui est vendu au prix de 10 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.tarmaceditions.com/en-roue-libre

dimanche 21 septembre 2025

"Les enfants sans mistral", d'Anne Barbusse

 
Avec "Les enfants sans mistral", d'Anne Barbusse, publié par les Éditions Unicité, je retrouve un univers familier. Ce livre se rattache, en effet, à la période Covid. Cette période, bien que douloureuse, semble avoir été très productive pour l'autrice, qui l'évoque, du moins, très souvent dans ses autres textes. Sorte d'heure de vérité pour les contradictions humaines.

J'y retrouve également une forme d'écriture familière, ces vers libres, plus ou moins longs, qui tendent à devenir des versets. Cette respiration naturelle qui convient à merveille à l'expressivité des mots d'Anne Barbusse. Ces phrases parfois brutales dont la lucidité leur donne la force d'oracles.

"Les enfants sans mistral" commence de manière tragique par l'hospitalisation de plusieurs jeunes (et notamment du fils de l'autrice) en hôpital psychiatrique, avant que cela soit le tour de l'autrice elle-même.

Bien que la fin du livre paraisse plus apaisée, avec la sortie du confinement, la révolte n'en est pas exempte. C'est le moins que l'on puisse dire. 
Dans "'Les enfants sans mistral", le lecteur, malgré tout, ressent une progression de l'ombre vers la lumière.
À cet égard, l'omniprésence du soleil semble constituer un baume. En tout cas, cette poésie appartient "corps et âmes" au Sud.

Extrait de "Les enfants sans mistral", d'Anne Barbusse :

"Au soir terni tu fermes la porte à la jouissance des vents. Jour déclinant, baignant la table de bois où s'empilent feuilles de papier

La forêt ne vit pas, elle perdure

Les oiseaux s'acclimatent à toute détresse fuyante

Tous les marcheurs sont redescendus dans toutes les vallées

Les arbres nus ont des bras noirs et des doutes squelettiques

La vieille pompe dysfonctionne, l'eau raréfiée a des silences

L'homme est rappelé depuis un an à sa mortalité, et toute sa technologie lui sert si peu

Il ne niera que les chiffres

Ensuite viendra la coexistence

On marchera sans oubli

Toutes les philosophies seront détrônées par des virus élémentaires

Notre empreinte carbone sera notre aveu et notre doute

Les oiseaux tombent, les insectes aussi rares que les pluies

La terre déforestée s'électrocute d'elle-même

Chaque objet manufacturé peut être converti en une simple démission de CO2

Notre impact terrestre est indélébile et tous les divertissements inventés ne seront que fuites en avant

Les industriels ne misent pas sur l'après-monde

De toute manière tu le savais depuis plus de vingt ans, depuis l'arrivée à l'âge adulte, et tous les maires de village te haïssaient pour tes convictions de Cassandre impardonnée

Ta peine est ton miracle

Traduite en mots elle tâche de lutter à contre-courant, combat rescapée de la psychiatrie

Ta peine bordeline et orpheline

Ta peine en distanciel"

L'illustration de la couverture est de Jacques Cauda.

Si vous souhaitez vous procurer "Les enfants sans mistral", d'Anne Barbusse, qui est vendu au prix de 13 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://www.editions-unicite.fr/auteurs/Anne-Barbusse/les-enfants-sans-mistral/index.php

samedi 13 septembre 2025

"Marche lynx", d'Olivier Benoit Gonin

 

Publié par les Éditions Le Clos Jouve, "Marche lynx", d'Olivier Benoit Gonin, est un livre de poèmes dédiés à la vraie nature, celle qui se situe… dans la nature, à l'écart des villes, dans ces endroits préservés, que l'on nomme, par exemple, parcs naturels.

Il faut dire que "Marche lynx" est l'œuvre d'un spécialiste, Olivier Benoit Gonin, ornithologue de profession, mais poète par passion.

Cependant, ses poèmes ne constituent pas des cours déguisés. Ils relatent à la fois sans fioritures et avec précision, les planques d'un homme qui communique ce en quoi il croit.

La beauté de ces apparitions qu'il cherche et trouve. La sensation de bien-être général que cela procure, d'être dans un monde préservé. Et aussi une impression inoubliable de liberté.

Ainsi, dans ces poèmes en vers également libres (!), se fait entendre une véritable parole militante.
En témoigne, par exemple, ce texte :

"La révolte des non-humains
N'est pas assez chaotique
Pour votre luxe

Dans mon souffle
La peine des abeilles
Le miel au goût du sang

J'ai pleuré
Quand j'ai vu cet homme
Remettre à l'eau
Un requin sans nageoire dorsale

Ma révolte n'est pas assez violente

Nous ne plantons que des cactus en plastique
Il n'y a pas de conscience qui bronze sur la plage
Où tout le monde ouvre son parasol

Les méduses les anémones le corail
Finissent de blanchir

Touriste passager tu écris
Dans ton sillon
L'interdiction de vivre"

La préface de "Marche lynx" est signée Luc Jacquet, réalisateur, notamment, de "La Marche de l'empereur".

Si vous souhaitez vous procurer "Marche lynx", d'Olivier Benoit Gonin, qui est vendu au prix de 17 € (+ 5 € de frais de livraison), rendez-vous sur le site de l'éditeur : https://editions-leclosjouve.org/all_page.asp?page=62&article=195