Quand les quatre mousquetaires (comme les surnomme Jean-Louis Rambour, dans la préface de ce livre) du Collectif Meteor, ne peuvent plus se rencontrer, à cause du confinement, ils s'écrivent à distance, chacun d'entre eux gardant naturellement son individualité profonde, dans ce match alterné de 60 poèmes.
Le lecteur y retrouve donc une écriture plus urbaine, confinée au premier sens du terme (Antoine Maine), ou plus énervée (Ramiro Oviedo), plus champêtre et/ou futuriste à la fois (Sébastien Kwiek), et plus… rare (Christophe Dekerpel).
Quatre poèmes extraits de ces échanges :
#26 - 14 avril 2020
J'ai fait le tour par la gare. Depuis la passerelle, j'ai aperçu les voies ferrées.
Je me suis demandé si l'herbe poussait déjà sur le ballast entre les rails. J'ai vu les trains qui ne partaient pas, les quais déserts. Nul amoureux nulle amoureuse venus là, figés dans l'attente de l'autre, avec le cœur qui bat boum boum.
Je me suis demandé si l'herbe poussait aussi sur les amours abandonnées.
Antoine Maine
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#42 - 1er mai 2020
Poète confirmé
jour après jour
avec les cui-cui des rouges-gorges
les sifflets de smerles qui passent me voir
les pétales du cerisier en fleur
je fais des aérolites
je fabrique de l'air
pour soulager le cafard de la tribu
je cultive Facebook
je sème des vers
et sans faire la quête
je récolte deux likes, trois partages
un commentaire
comme preuve irréfutable de mon existence
Ramiro Oviedo
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#36-25 avril 2020
Séparation 5
C'était quand déjà l'absence des montres au soleil
Le sel de ta transpiration sur le bout de ma langue
Le réduit du monde dans un jardin de paille
Cette fragile discrétion des jours
Les mains belles ouvertes à la terre
Nos deux corps distillés entre les herbes
Ces fois où tu portes le même chapeau que moi
Je te l'écris ce mercredi - ou plutôt un jeudi
En chaleur de ces instants vécus ensemble
Pour conjurer la mélancolie du manque
Qui cherche à ligoter le présent
Celle de toutes nos séparations
Déjà trop nombreuses
Au temps futur
Sébastien Kwiek
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#24-12 avril 2020
À l'heure où les fenêtres s'illuminent,
où le ciel, lassé d'être bleu pour personne, embrasse la nuit
et accouche de ses premières étoiles,
j'ouvre mon Velux et me déconfine
animal, de toit en toit,
descends par la gouttière,
me couche dans l'herbe fraîchie,
lape l'eau de la mare aux grenouilles
me saoule de bourgeons enfantés
que je suce avidement,
alors défoncé, je voyage
jusqu'à l'aube nouvelle
où je redeviens homme en cage.
Christophe Dekerpel
La photographie de couverture est de Benjamin Teissedre.
Si vous souhaitez en savoir plus sur "Les confins", du Collectif Meteor, qui est vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur le site de son éditeur, "La chouette imprévue" : https://www.lachouetteimprevue.com/product-page/les-confins