mercredi 22 mai 2013

"Les nuages", de Pierre Anselmet



Deuxième recueil publié par Pierre Anselmet dans la collection Polder de la revue Décharge, après "Les nerfs sauvages" en 2010, "Les nuages" confirment la valeur de l'écriture de son auteur, qui n'a que 25 ans, notamment à travers la mise en équilibre entre lyrisme exprimé et réalité décrite.
Avec ce recueil, il me semble que le lecteur doive intérioriser les références autobiographiques qu'il contient et plus particulièrement les rapports difficiles entretenus avec la mère de l'auteur, pour se soucier de plus important pour lui, à savoir l'émotion débordante exprimée par ces poèmes.
Pour mieux la cerner, j'ai envie de me référer à la musique. A chacun ses références. Celle qui me vient à l'esprit en lisant "Les nuages", c'est le saxophone d'Albert Ayler quand, échappé du free-jazz, il redécouvre la musique traditionnelle, c'est à dire aussi ses racines, à travers ses improvisions claires qui s'étirent dans le temps, comme pour l'éternité.
Donc, l'émotion peut être noire, mais elle peut être aussi source de joie. Ici, la poésie de révolte se fait poésie d'observation, comme une éclaircie après l'averse (le plus difficile est de passer à travers). Ainsi, le recueil est composé essentiellement d'une galerie de portraits féminins entrecoupés de plusieurs "poésies d'amour", comme un exercice que l'auteur s'oblige à mener à bien, au milieu de ce monde de brutes, et qui constitue à lui seul une réussite.
Et le style de Pierre Anselmet, clé de cette réussite, se caractérise par sa fluidité musicale, par son oralité aussi parfois (mise en vers de dialogues, recours à des expressions familières), et enfin par le recours à des images suprenantes qui court-circuitent le texte.
Bref, une vraie poésie vivante qui ne cherche pas à planquer l'origine de ses émotions dans un langage trop littéraire ou abstrait. En résumé, la poésie que je préfère, car elle me paraît être la seule susceptible d'intéresser un lecteur qui ne serait pas un spécialiste du genre poétique... D'où sa supériorité d'évocation...

Un exemple pour la route :

"Je suis le fils de ma chienne

Je suis le fils de ma chienne, l'enfant baveux de mon plus cher esclave. Je suis infiniment nu, et né jusqu'à la gueule, ça chique, et c'est taillé comme un bonsaï que je ressors des mains de celles qui me savourent un temps, me goûtent, puis se font vomir de honte et de tristesse, et aussi par jeu. Je suis et mon esprit n'est pas à l'heure de mes genoux, n'est pas plus présent ni plus exact que mon foie que cette gale qui me ronge et me donne l’heure et me rappelle que j'ai un corps. Nous sommes pour toujours avant d'être là, c'est-à-dire bientôt maintenant. Et personne ne peut dire qu'il n'a jamais été enfant. Alors on subit on devient on respire,
sans trop savoir pourquoi on croque dans le mistral et puis on se tait, même si ça ne veut pas dire grand-chose. Je suis on peut être à tous les temps mais ça n'a rien d'une évidence."
  
Pour en savoir plus sur ce recueil, disponible au prix de 6 €, contact : http://www.dechargelarevue.com/ 

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