Deuxième
recueil publié par Pierre Anselmet dans la collection Polder de la revue
Décharge, après "Les nerfs sauvages" en 2010, "Les nuages"
confirment la valeur de l'écriture de son auteur, qui n'a que 25 ans, notamment
à travers la mise en équilibre entre lyrisme exprimé et réalité décrite.
Avec ce
recueil, il me semble que le lecteur doive intérioriser les références
autobiographiques qu'il contient et plus particulièrement les rapports
difficiles entretenus avec la mère de l'auteur, pour se soucier de plus
important pour lui, à savoir l'émotion débordante exprimée par ces
poèmes.
Pour mieux la
cerner, j'ai envie de me référer à la musique. A chacun ses références. Celle
qui me vient à l'esprit en lisant "Les nuages", c'est le
saxophone d'Albert Ayler quand, échappé du free-jazz, il redécouvre la musique
traditionnelle, c'est à dire aussi ses racines, à travers ses improvisions
claires qui s'étirent dans le temps, comme pour l'éternité.
Donc, l'émotion
peut être noire, mais elle peut être aussi source de joie. Ici, la poésie de
révolte se fait poésie d'observation, comme une éclaircie après l'averse (le
plus difficile est de passer à travers). Ainsi, le recueil est composé
essentiellement d'une galerie de portraits féminins entrecoupés de plusieurs
"poésies d'amour", comme un exercice que l'auteur s'oblige à mener à
bien, au milieu de ce monde de brutes, et qui constitue à lui seul une
réussite.
Et le
style de Pierre Anselmet, clé de cette réussite, se caractérise par sa
fluidité musicale, par son oralité aussi parfois (mise en vers de dialogues,
recours à des expressions familières), et enfin par le recours à des images
suprenantes qui court-circuitent le texte.
Bref, une vraie
poésie vivante qui ne cherche pas à planquer l'origine de ses émotions dans un
langage trop littéraire ou abstrait. En résumé, la poésie que je préfère, car
elle me paraît être la seule susceptible d'intéresser un lecteur qui ne serait
pas un spécialiste du genre poétique... D'où sa supériorité d'évocation...
Un exemple pour
la route :
"Je suis
le fils de ma chienne
Je suis le fils
de ma chienne, l'enfant baveux de mon plus cher esclave. Je suis infiniment nu,
et né jusqu'à la gueule, ça chique, et c'est taillé comme un bonsaï que je
ressors des mains de celles qui me savourent un temps, me goûtent, puis se font
vomir de honte et de tristesse, et aussi par jeu. Je suis et mon esprit n'est
pas à l'heure de mes genoux, n'est pas plus présent ni plus exact que mon foie
que cette gale qui me ronge et me donne l’heure et me rappelle que j'ai un
corps. Nous sommes pour toujours avant d'être là, c'est-à-dire bientôt
maintenant. Et personne ne peut dire qu'il n'a jamais été enfant. Alors on
subit on devient on respire,
sans trop
savoir pourquoi on croque dans le mistral et puis on se tait, même si ça ne
veut pas dire grand-chose. Je suis on peut être à tous les temps mais ça n'a
rien d'une évidence."
Pour en savoir
plus sur ce recueil, disponible au prix de 6 €, contact :
http://www.dechargelarevue.com/
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