"Sémiotique de la crasse" de Lukrate, n'est pas un livre de poésie au sens étroit du terme, sauf que la poésie peut être partout, même dans la crasse.
Cette remarque mise à part, il s'agit d'un recueil de 26 histoires courtes, que j'ai trouvées plus proches du conte que de la nouvelle.
Elles ont toutes en commun qu'elles racontent des scènes de la vie d'un quasi-SDF, vivant souvent dans la crasse ou pas très loin. C'est un livre de survie au quotidien, qu'une misère noire aiderait à qualifier de gothique. D'où la référence au diable, évidente, qui est inscrite dans la numérotation de la dernière histoire.
Les instants de cette vie en noir ou en gris pourraient paraître déprimants s'ils n'étaient contrebalancés par une paradoxale joie de "mal" vivre, qui se mesure à travers toutes les remarques humoristiques, dont est parsemé le livre, ainsi qu'à travers moult références artistiques et notamment musicales (la préface cite à cet égard, Georges Brassens, Léo Ferré, Hubert Félix Thiéfaine).
De quoi vous éclairer sur l'univers de ce projet anarchiste que je partage en commun.
Les histoires sont racontées à la première personne du singulier, mais ce "je" là ne manque pas de dérision, ce qui fait passer aisément la pilule.
Malgré les difficultés à vivre (manque d'argent et d'amour, alcoolisme, solitude), "Sémiotique de la crasse" peut être vu comme une revendication de la marginalité, autant recherchée que subie. Car faire partie de la norme - on l'oublie un peu trop souvent - ce n'est pas non plus ressembler à quelque chose de particulièrement beau, ce n'est pas forcément avoir un sort enviable.
D'où cet hymne en négatif que j'ai trouvé réjouissant à lire.
Histoire de vous mettre dans l'ambiance, je cite le début de la première histoire : "La fille de l'aube" :
"Elle se tenait droite, inflexible face au monde, les yeux perdus dans le vague.
C'eût été une idole païenne si elle ne portait pas ces frusques à la mode, puant le brillant et le trop serré.
Frêle, encore nimbée de la candeur faussement virginale des enfants nées trop tard, elle crachait par intermittence des geysers de fumée épaisse.
La fine pluie qui nous séparait ne suffisait pas à masquer sa détresse.
Tendant alors de rationaliser ma "pseudo-relation" avec cette inconnue, je relevai le col de mon vieux cuir élimé roulant fébrilement un mégot.
Je voulais détacher les yeux de ce puits de tristesse tout en analysant ce tableau presque vivant : la rue à six plombes du mat."
Histoire de vous mettre dans l'ambiance, je cite le début de la première histoire : "La fille de l'aube" :
"Elle se tenait droite, inflexible face au monde, les yeux perdus dans le vague.
C'eût été une idole païenne si elle ne portait pas ces frusques à la mode, puant le brillant et le trop serré.
Frêle, encore nimbée de la candeur faussement virginale des enfants nées trop tard, elle crachait par intermittence des geysers de fumée épaisse.
La fine pluie qui nous séparait ne suffisait pas à masquer sa détresse.
Tendant alors de rationaliser ma "pseudo-relation" avec cette inconnue, je relevai le col de mon vieux cuir élimé roulant fébrilement un mégot.
Je voulais détacher les yeux de ce puits de tristesse tout en analysant ce tableau presque vivant : la rue à six plombes du mat."
La fabrication du livre "Sémiotique de la crasse" a la particularité d'avoir été financée sur Internet, avant autoédition, par une campagne de crowdfunding (Kisskissbankbank).
Pour en savoir plus sur ce livre, vendu au prix de 12 €, rendez-vous sur https://www.kisskissbankbank.com/semiotique-de-la-crasse ou pour le lire sur Internet, https://ebook.nolim.fr/ebook/9791022754569/semiotique-de-la-crasse-lukrate
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