Publié par les Éditions Le Coudrier dans la collection Coudraie, ce premier recueil d'Arnaud Talhouarn recèle quelques énigmes.
Le titre "Poèmes écrits sur du papier" pourrait sonner comme une évidence, sauf qu'aujourd'hui, avec l'informatique, il est de moins en moins certain de laisser des "Poèmes écrits sur du papier".
Tout de même, ce titre non dénué d'humeur demeure étonnant, même s'il suffisait d'y penser.
De plus, ce terme de "Poèmes écrits sur du papier" renvoie plutôt à ce qui s'apparente à des réflexions sur la portée toute relative de l'écriture, même si la fin du volume louche sur les poèmes en prose.
Ainsi, l'unité du livre est avant tout visuelle, l'expression se faisant toujours par la prose et non par le biais des vers, même libres.
Par ailleurs, il est assez amusant que quelques-uns des titres des textes de "Poèmes écrits sur du papier" renvoient à des poèmes de Rimbaud : par exemple, "Royauté" ou "Bannières de décembre", qui est un décalque de "Bannières de mai". Il y a là comme une filiation revendiquée, en toute discrétion.
Dans trois quarts des textes au moins publiés ici, le message de l'auteur est clair : il cherche à se détacher de la croyance dans les traces laissées à la postérité par ses œuvres écrites.
Soyons lucides avec nous-mêmes à ce sujet : nous y croyons tout de même en partie, à la force de notre écriture. Bien obligés, pour pouvoir écrire ! Néanmoins, je partage le constat d'Arnaud Talhouarn, qu'il vaut mieux ne pas y croire, et que, de toute évidence, nos poèmes constituent un peu moins qu'une goutte d'eau dans l'océan du monde tel qu'il est. Et les auteurs anciens qui nous font rêver ne sont que des symboles ! Belle piqure de rappel !
Le style de "Poèmes écrits sur du papier" d'Arnaud Talhouarn est empreint de ce détachement qui donne à son écriture un air de classicisme, un peu à la manière des philosophes stoïciens, même quand il ne s'agit plus de réflexions, comme si le style philosophique se surimprimait sur la poésie.
On le comprend finalement : l'auteur parle d'un monde disparu, qui peut être aussi celui de l'écriture écrite sur du papier. Tel est le fil conducteur de ce livre.
Extrait de "Poèmes écrits sur du papier", d'Arnaud Talhouarn :
"VIII. Bannière de décembre
Tête féline triangulaire, vers mes mains comme le bloc de métal blanchi vers le marteau du forgeron, vibrant de plaisir sous mes caresses;
les os de ton crâne à plusieurs pans résistent sous une fourrure que je palpe et déforme comme les surplis de peau d'une gonade;
pariétaux à l'arête desquels mes mains peuvent suivre la dépression de la suture sagittale, orbites, mâchoire, pièces poreuses, frêles et cassantes comme des élytres, si légères qu'elles seraient bienvenues pour composer l'armature d'un cerf-volant.
À la force de ses mains calleuses, un enfant aux jambes musclées le maintiendrait en altitude, carcasse mobile au regard vide, planant au-dessus des pentes désertiques de montagnes balayées par un vent miauleur.
Animal nocturne et imprévisible, ton squelette le sera restitué. J'empaumerai ton crâne, et le cliverai comme on rompt une boule de pain.
Une moitié tournée vers l'Orient - direction de la nuit, des destructions - l'autre vers l'Occident - lieu de la lumière et des renaissances ou, pour mieux dire, des résurrections.
Crocs pointés en direction de la terre."
L'illustration de couverture est de Nolwenn Camenen et la préface de Jean-Michel Aubevert.
Si vous souhaitez vous procurer "Poèmes écrits sur du papier", d'Arnaud Talhouarn, qui est vendu au prix de 20 €, rendez-vous sur le site de l'éditeur : http://lecoudrier.weebly.com/poegravemes-eacutecrits-sur-du-papier.html
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